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Cet usage de brûler le défunt sur le tertre qui lui était destiné et de faire servir ce tertre au bûcher et à l’incinération de plusieurs individus apportés en des temps différents , existait dès l’époque du bronze dans le midi de la France , comme on a pu le constater en fouillant les buttes funéraires de Bartrès et d’Ossun ( 1 ) . Les hommes de l’âge du fer qui ont établi le cimetière d’Avezac ont hérité de cette coutume des générations qui les ont précédés , mais ils ne s’y sont pas toujours conformés . Lorsqu’un tumulus avait déjà reçu plusieurs inhumations , on n’y dressait plus le bûcher ; on incinérait le corps ailleurs ; on recueillait dans l’urne les os calcinés , les bijoux à demi – fondus et la cendre du mort ; on la portait , avec les armes déformées , dans le tumulus , où on l’inhumait , après l’avoir entourée du reste de la cendre mêlée de charbons et des débris d’ossements qu’elle n’avait pu contenir ; ensuite on refermait le tumulus . Dans ce cas l’inhumation d’une urne se faisait comme se fait celle d’un cercueil . Les parents en connaissaient la place dans la butte funéraire , et quand l’un d’eux mourait , il arrivait que l’on plaçait , par un soin pieux , son urne à côté de celle de la personne aimée qui l’avait précédé dans la tombe . Combien de fois n’avons nous pas trouvé deux urnes , l’une contenant les cendres d’un homme ( 2 ) , l’autre celles d’une femme , placées l’une à côté de l’autre , ou même superposées et séparées par quelques centimètres de terre seulement . C’étaient , pensions – nous , celles d’époux qui avaient voulu se réunir dans la mort . Les urnes renfermant les cendres d’un homme étaient , sauf quelques exceptions , grandes et généralement très simples ; celles de femmes plus petites et plus ornées ; celles du pauvre , le plus souvent unies . La cendre des enfants était placée dans de petits vases à panse arrondie , à col large , droit ou presque droit , qui n’avaient pas toujours un décimètre de hauteur . Nous n’y avons jamais trouvé de fragments d’os . Le feu consumait complètement ces petits corps ; il faut le secours de la loupe pour distinguer , dans la cendre , la blanche poussière de leurs ossements . Rien n’est plus touchant que de voir ces petites urnes placées autour de celles de leurs parents et parfois abritées sous le même couvercle . Souvent le vase funéraire qui contient les restes de l’enfant a été enfermé dans celui de la mère , comme si elle avait voulu que cet être fragile , qu’elle avait porté dans son sein , dormit encore au milieu de la cendre maternelle . Nous avons recueilli , non sans émotion , l’une de ces petites urnes dans celle de son père . Ainsi , chaque coup de pioche de nos ouvriers dans ce cimetière , en mettant au jour les vestiges industriels d’un peuple depuis longtemps disparu , faisait en quelque sorte sortir du sol et monter jusqu’à nos cæurs les sentiments qui avaient animé les hommes dont les restes gisaient sous nos pieds . Ce n’était plus seulement des débris de poterie que nous examinions . Le chercheur faisait place à l’homme ; une émotion profonde nous remuait , évoquant en nous le plus ( 1 ) Il y a à Bartrès des tumulus de l’âge du bronze et de l’âge du fer . L’âge du fer parait y avoir succédé immédiatement à l’époque cébénienne . ( 2 ) Nous avons supposé que les urnes accompagnées d’armes renfermaient la cendre d’hommes .